Multilinguisme officiel : panorama des langues reconnues en afrique du sud

« Sawubona », « Hello », « Hallo » : Bienvenue dans un pays où ces mots, et bien d’autres, coexistent au quotidien. Imaginez un pays où onze idiomes sont reconnus sur un pied d’égalité, un pays où la diversité linguistique est non seulement tolérée, mais célébrée comme un fondement de l’identité nationale. Ce pays, c’est l’Afrique du Sud, une nation arc-en-ciel qui, après des décennies d’oppression linguistique sous l’apartheid, a choisi de faire du multilinguisme une force.

Nous allons plonger au cœur de cette mosaïque linguistique pour comprendre comment ces langues façonnent l’identité du pays et contribuent à son développement.

Les fondations linguistiques de l’afrique du sud

Avant l’arrivée des colons européens, l’Afrique du Sud était déjà un creuset linguistique vibrant, où une multitude de langues indigènes étaient parlées par divers groupes ethniques. Ces langues, principalement issues des familles Khoisan et Bantu, étaient intimement liées aux cultures et aux traditions des communautés locales, transmettant des savoirs ancestraux et des valeurs sociales de génération en génération. La diversité linguistique était une réalité bien ancrée dans le paysage africain.

L’apartheid a mis à mal cette richesse en marginalisant les langues africaines, promouvant l’afrikaans et l’anglais comme idiomes dominants. Les langues africaines ont été exclues de l’éducation, des médias et des institutions gouvernementales, contribuant à une hiérarchisation et à la marginalisation de la majorité de la population. Cette politique linguistique discriminatoire a laissé des traces profondes dans la société sud-africaine. Il était donc impératif de créer une constitution qui protège toutes les langues du pays.

La Constitution post-apartheid de 1996 a marqué une rupture avec le passé en reconnaissant onze langues officielles : l’afrikaans, l’anglais, l’isiNdebele, l’isiXhosa, l’isiZulu, le Sepedi, le Sesotho, le Setswana, le SiSwati, le Tshivenda et le Xitsonga. Cette reconnaissance est un acte de réconciliation et d’affirmation de l’identité nationale, un pas vers une société plus juste et inclusive où tous les idiomes sont valorisés et respectés. L’article 6 de la constitution est à la base de la reconnaissance de l’importance de ces langues.

Présentation des langues officielles

Nous allons maintenant explorer chacune des onze langues officielles d’Afrique du Sud, en les regroupant par famille linguistique pour faciliter la compréhension. Pour chaque langue, nous examinerons son histoire, son nombre de locuteurs, sa distribution géographique, ses caractéristiques linguistiques distinctives, son importance culturelle et sociale, ainsi que son statut légal et son utilisation actuelle.

Langues bantu

La majorité des langues officielles d’Afrique du Sud appartiennent à la famille des langues Bantu, un groupe linguistique vaste et diversifié qui s’étend sur une grande partie de l’Afrique subsaharienne. Ces langues partagent des racines communes et présentent des similitudes grammaticales et lexicales, tout en ayant développé des particularités régionales.

Afrikaans

L’afrikaans, bien que d’origine néerlandaise, est considéré comme une langue africaine en raison de son évolution et de son rôle en Afrique du Sud. Il est parlé par environ 7,2 millions de personnes et est surtout répandu dans les provinces du Cap-Occidental et du Cap-du-Nord. L’afrikaans a évolué à partir du néerlandais parlé par les colons au XVIIe siècle, intégrant des influences des langues Khoisan, malaises et d’autres idiomes africains. Son vocabulaire et sa grammaire ont été simplifiés par rapport au néerlandais, et elle est écrite avec un alphabet latin. L’afrikaans a longtemps été associé à l’apartheid, mais il est aujourd’hui reconnu comme une langue officielle et est utilisé dans l’éducation, les médias et la culture.

Isindebele

L’isiNdebele est parlé par environ 2,1 millions de personnes, principalement dans la province du Mpumalanga. Elle est étroitement liée à l’isiZulu, partageant de nombreuses caractéristiques grammaticales et lexicales. L’isiNdebele se caractérise par l’utilisation de clics, empruntés aux langues Khoisan. Elle joue un rôle important dans l’identité culturelle des communautés Ndebele, mais son utilisation dans les domaines publics reste limitée.

Isixhosa

L’isiXhosa est parlé par environ 8,2 millions de personnes, principalement dans la province du Cap-Oriental. C’est l’une des langues les plus parlées du pays. L’isiXhosa est célèbre pour ses clics distinctifs, qui sont essentiels à sa prononciation. Elle possède une riche tradition orale et littéraire. Nelson Mandela était Xhosa, et la langue est imprégnée d’histoire et de culture.

Isizulu

L’isiZulu est la langue la plus parlée en Afrique du Sud, avec environ 11,6 millions de locuteurs. Elle est principalement parlée dans la province du KwaZulu-Natal. L’isiZulu est une langue tonale avec une grammaire complexe. Elle a une histoire riche et est étroitement liée à la culture zouloue. Elle joue un rôle important dans l’identité nationale sud-africaine.

Sepedi (northern sotho)

Le Sepedi, également connu sous le nom de Sotho du Nord, est parlé par environ 4,6 millions de personnes, principalement dans les provinces du Limpopo, du Gauteng et du Mpumalanga. Il est étroitement lié au Sesotho et au Setswana. Le Sepedi est une langue tonale et possède une grammaire complexe. Son utilisation dans les domaines publics est limitée.

Sesotho (southern sotho)

Le Sesotho, également connu sous le nom de Sotho du Sud, est parlé par environ 3,8 millions de personnes, principalement dans la province de l’État Libre. Il est étroitement lié au Sepedi et au Setswana. Le Sesotho est une langue tonale et possède une grammaire complexe. Il est également parlé au Lesotho.

Setswana

Le Setswana est parlé par environ 4,0 millions de personnes, principalement dans la province du Nord-Ouest. Il est étroitement lié au Sepedi et au Sesotho. Le Setswana est une langue tonale et possède une grammaire complexe. Il est également parlé au Botswana.

Siswati

Le SiSwati est parlé par environ 1,3 million de personnes, principalement dans la province du Mpumalanga. Il est étroitement lié aux autres langues Nguni, comme l’isiZulu et l’isiXhosa. Le SiSwati est également la langue officielle d’Eswatini (anciennement Swaziland).

Tshivenda

Le Tshivenda est parlé par environ 1,2 million de personnes, principalement dans la province du Limpopo. Il est distinct des autres langues Bantu en Afrique du Sud, ayant des influences des langues Shona parlées au Zimbabwe.

Xitsonga

Le Xitsonga est parlé par environ 2,3 millions de personnes, principalement dans la province du Limpopo et du Mpumalanga. Il est également parlé au Mozambique et au Zimbabwe. Il se distingue par son vocabulaire et sa prononciation uniques.

Langue Indo-Européenne

Une seule langue indo-européenne est reconnue comme langue officielle : l’anglais. Cependant, son influence et son importance dans la société sud-africaine sont considérables.

Anglais

L’anglais est parlé par environ 4,8 millions de personnes comme langue maternelle, mais il est compris et parlé par une proportion beaucoup plus importante de la population. C’est la langue des affaires, de l’éducation supérieure et de nombreux médias. L’anglais sud-africain a développé ses propres particularités, avec des influences des langues africaines et de l’afrikaans. Il joue un rôle crucial dans la communication interethnique et dans les relations internationales.

La politique linguistique multilingue en action

La reconnaissance des onze langues officielles dans la Constitution a marqué un tournant décisif dans la politique linguistique. Cependant, la mise en œuvre effective du multilinguisme se heurte à des obstacles et nécessite des efforts constants pour surmonter les inégalités héritées du passé.

Plusieurs institutions ont été mises en place pour garantir le respect des droits linguistiques de tous et promouvoir l’utilisation des langues africaines. Le Pan South African Language Board (PanSALB) est l’organisme chargé de superviser la politique linguistique et de veiller à ce que tous les idiomes soient traités sur un pied d’égalité. D’autres organisations gouvernementales et non gouvernementales travaillent à la promotion des langues africaines et à la sensibilisation du public à la valeur du multilinguisme.

Voici quelques efforts de promotion du multilinguisme:

  • Initiatives gouvernementales dans l’éducation, comme l’enseignement dans les langues maternelles dès le primaire.
  • Programmes de traduction et d’interprétation dans les services publics, permettant aux citoyens d’accéder à l’information et aux services dans leur langue.
  • Soutien financier et logistique aux médias et aux industries culturelles qui utilisent les langues africaines, encourageant la création de contenus diversifiés et de qualité.

Les défis du multilinguisme

Malgré les efforts déployés, le multilinguisme se heurte à des défis importants. La hiérarchie linguistique implicite, où l’anglais domine dans les affaires et l’enseignement supérieur, reste un obstacle majeur. Le manque de ressources, notamment le nombre insuffisant de traducteurs, d’interprètes et de matériel pédagogique dans les langues africaines, entrave également la mise en œuvre effective du multilinguisme.

Les attitudes négatives envers les langues africaines, souvent perçues comme moins « utiles » ou moins prestigieuses que l’anglais, persistent également. La complexité de gérer onze idiomes dans tous les domaines de la vie publique représente un défi logistique et financier considérable. De nombreux enfants ne reçoivent pas une éducation de qualité dans leur langue maternelle, ce qui peut avoir des conséquences négatives sur leur développement cognitif et leur réussite scolaire. L’inégalité d’accès à l’éducation reste un défi majeur.

Statistiques clés sur les langues en afrique du sud

Langue Nombre approximatif de locuteurs natifs Pourcentage de la population
isiZulu 11.6 million 22.7%
isiXhosa 8.2 million 16%
Afrikaans 7.2 million 13.5%
Anglais 4.8 million 9.6%
Sepedi 4.6 million 9.1%
Setswana 4.0 million 7.9%
Sesotho 3.8 million 7.6%
Xitsonga 2.3 million 4.5%
isiNdebele 2.1 million 4.1%
SiSwati 1.3 million 2.5%
Tshivenda 1.2 million 2.3%

L’anglais et les langues bantou

Selon le recensement de 2011, environ 80% des Sud-Africains parlent une langue Bantu à la maison. Néanmoins, l’anglais reste la langue privilégiée dans de nombreux contextes officiels. Un rapport du Human Rights Watch note cependant les problématiques que causent ce décalage dans l’accès à certains services.

Études de cas

Pour illustrer les réussites et les difficultés du multilinguisme, examinons quelques études de cas concrets.

L’enseignement multilingue à giyani

Dans une école rurale de Giyani, dans la province du Limpopo, une initiative d’enseignement multilingue a été mise en place pour améliorer les résultats scolaires des élèves. Les enfants commencent leur scolarité en Xitsonga, leur langue maternelle, avant d’introduire progressivement l’anglais. Cette approche permet aux élèves de mieux comprendre les concepts et de développer une plus grande confiance en eux. Une étude de l’université de Pretoria a mis en lumière les effets bénéfiques de l’enseignement dans la langue maternelle. Toutefois, l’initiative se heurte à des difficultés liées au manque de matériel pédagogique en Xitsonga et à la nécessité de former davantage d’enseignants.

La promotion du tshivenda par une organisation non gouvernementale

Le « Venda Arts and Culture Council » œuvre à la promotion du Tshivenda dans les médias et la culture, produisant des films, des émissions de télévision et des pièces de théâtre en Tshivenda. Ces efforts contribuent à préserver et à promouvoir la langue. L’organisation manque cependant de financement et de ressources pour étendre ses activités.

La communication multilingue lors de la coupe du monde de football 2010

La Coupe du Monde de Football 2010 a posé un défi majeur en matière de communication. Les organisateurs ont fourni des informations et des services dans les onze langues officielles, notamment en traduisant des documents et en proposant des services d’interprétation. Cependant, il a été difficile de garantir une communication fluide et efficace dans toutes les langues, et de nombreux visiteurs ont rencontré des difficultés pour s’orienter et obtenir des informations. L’impact économique positif est notable cependant, dû à une meilleure inclusivité.

Perspectives d’avenir du multilinguisme en afrique du sud

L’avenir du multilinguisme dépend de la capacité du pays à surmonter les défis actuels et à créer une société où toutes les langues sont valorisées. Il est essentiel de renforcer l’égalité linguistique et de réduire la domination de l’anglais, en promouvant l’usage des idiomes africains dans tous les domaines.

Les nouvelles technologies, comme la traduction automatique et la reconnaissance vocale, peuvent jouer un rôle important en facilitant la communication interlinguistique et en rendant l’information plus accessible. Il est également important d’encourager l’apprentissage des langues africaines par les non-natifs, afin de favoriser la compréhension et le respect mutuel.

Pour avancer vers un futur linguistique plus équitable, il est impératif de suivre ces recommandations :

  • Investir davantage dans l’éducation multilingue et la formation des enseignants.
  • Renforcer le rôle du PanSALB et des autres institutions linguistiques.
  • Sensibiliser le public à la valeur du multilinguisme et à la nécessité de lutter contre les préjugés linguistiques.
  • Encourager l’utilisation des langues africaines dans le monde des affaires et dans la sphère publique.

Indicateurs clés du multilinguisme en afrique du sud

Indicateur Pourcentage (Approximatif) Source
Budget national alloué à l’éducation (2023) 14.2% Ministère de l’Éducation
Élèves suivant un enseignement dans leur langue maternelle (primaire) 65% UNESCO
Entreprises utilisant au moins deux langues officielles 35% Statistiques Afrique du Sud

Bâtir un futur linguistique inclusif

L’Afrique du Sud a fait des progrès considérables dans la reconnaissance et la promotion de ses onze langues officielles. La diversité linguistique est une richesse précieuse qui doit être préservée. En investissant dans l’éducation multilingue, en renforçant les institutions linguistiques et en luttant contre les préjugés, le pays peut bâtir un avenir où toutes les langues sont respectées et où chacun a la possibilité de s’exprimer et de s’épanouir dans sa langue maternelle.

Le multilinguisme est une question d’identité nationale et de cohésion sociale. En valorisant tous les idiomes, l’Afrique du Sud peut créer une société plus juste, inclusive et culturellement riche. C’est un pas important vers l’avenir.

Pour plus d’informations sur les langues d’Afrique du Sud et les initiatives de promotion du multilinguisme, consultez le site web du Pan South African Language Board (PanSALB).